Il y a cinquante ans cette année, le 23 juillet 1967 (année de l'Exposition Universelle), le général de Gaulle, alors Président de la République (1959-1969), débarque du croiseur Colbert (bâtiment amiral de l'Escadre de la Méditerranée) au port de la ville de Québec pour une visite au Canada ; c'est la première visite officielle d'un chef d'État français au Québec. Il empruntera ensuite, le 24 au matin, le Chemin du Roy, soit le chemin reliant Québec à Montréal par la rive nord du Fleuve, lors de son voyage mythique se terminant avec son discours légendaire de Montréal, qu'en fait il ne devait pas prononcer, du balcon de l'Hôtel de ville, et dont voici la fin :
[...] Et, d'ailleurs, le concours que la France va, tous les jours un peu plus, prêter ici, elle sait bien que vous le lui rendrez, parce que vous êtes en train de vous constituer des élites, des usines, des entreprises, des laboratoires, qui feront l'étonnement de tous et qui, un jour, j'en suis sûr, vous permettront d'aider la France.
Voilà ce que je suis venu vous dire ce soir en ajoutant que j'emporte de cette réunion inouïe de Montréal un souvenir inoubliable. La France entière sait, voit, entend, ce qui se passe ici et je puis vous dire qu'elle en vaudra mieux.
Vive Montréal ! Vive le Québec !
Vive le Québec libre !
Vive le Canada français ! et vive la France !
[ Le général de Gaulle (Président de la République), lors du Discours de Montréal ("Vive le Québec libre!"), 24 juillet 1967, je souligne un passage ]
On connaît valoir mieux dans le sens d'être préférable en parlant de quelque chose, ou en forme impersonnelle ; on connaît un tien vaut mieux que deux tu l'auras, où le verbe valoir est conjugué avec la chose comme sujet. On peut imaginer avoir plus de valeur/mérite en parlant d'une personne par comparaison à une autre, ou par rapport à un moment précis dans le temps. Mais sans un tel repère et avec un pronom personnel, j'ai une certaine difficulté à comprendre, comme dans l'exemple « Neuve elle [la noblesse] se vendait alors ; elle valait mieux » (Courier) dans le sens d'« [a]voir plus de valeur, d'avantages, de qualités » : c'est que mieux n'est pas exactement plus a priori, mais on comprend quand même que la valeur était davantage contemporaine de la nouveauté et qu'elle s'est étiolée.
Sauf que dans le discours du Général, la France est le sujet du verbe au futur avec le pronom en alors qu'on est même incertain si ce dernier réfère au fait que la France sait, voit, entend, où s'il est tributaire d'une autre idée de construction, comme avec se porter/tirer en emploi pronominal, ou tirer profit de par exemple. Ce qui fait qu'au final c'est inusité pour moi, que le sens de la fin de la phrase m'échappe et n'eût été de la retranscription puis d'une écoute attentive par la suite je l'aurais toujours compris comme la forme impersonnelle il en vaudra mieux (il(ce) sera préférable). Mais on dit bien Elle.
- Quand on parle de la France comme d'un sujet, est-ce qu'il y a généralement anthropomorphisme, est-ce pertinent ici et est-ce que ça oriente le sens ?
- Que veut dire une [personne] (en) vaudra mieux dans l'abstrait, sans complément ni infinitif qui ne suive et si c'est inconcevable doit-il alors s'agir d'une ellipse ; l'apport du pronom en y change-t-il quoi que ce soit et peut-on l'analyser dans le discours ?
- Que veut dire exactement « qu'elle en vaudra mieux » ici ; ce tour est-il usuel ; peut-on reformuler ou présenter un terme/verbe équivalent ?