« Mon cerveau fait des zzzt zzzt »
Selon mes observations, cette expression est habituellement utilisée pour indiquer une grande incompréhension.
Appliquée à soi, une explication trop compliquée ou une séquence d’événements trop embrouillée peut provoquer cet état : le cerveau tente beaucoup, mais sans succès, de lier les informations qui lui arrivent.
Appliquée à un autre (son cerveau fait zzzt zzzt), on indique sa propre incompréhension des agissements de cette personne (par exemple une rire incontrôlable que rien ne semble justifier, une grande excitation ou un flot ininterrompu de paroles incohérentes), agissements que l’on justifie ultimement avec un malfonctionnement temporaire de son cerveau.
Dans tous les cas, c’est un usage plutôt comique et léger que sérieux ou malveillant.
Ainsi que déjà mentionné dans les réponses, ces locutions sont assez peu utilisées à l’écrit. Ça donne le champs libre aux écrivains quant à l’orthographe de l’onomatopée. Je serais très surpris que cette onomatopée soit autre chose que le bruit d’un arc électrique dû à un mauvais contact dans un circuit, ou à un quasi-court-circuit. Il s’agirait en ce cas d’une expression relativement récente dans l’histoire humaine, ces bruits n’étant apparus qu’il y a quelques générations dans la vie quotidienne. On pourrait toujours penser que l’électricité statique est une expérience bien plus ancienne, mais le doublement de l’onomatopée la discarte d’emblée : on parle bien ici d’un flot continu.
La chosification implicite du cerveau humain est-elle due au parallèle dressé entre sa complexe mécanique (pressentie) et celle des moteurs électriques, bien moindre mais plus facile à observer ? Ou bien l’humain se compara-t-il pour rire à l’un de ces nombreux robots ou androïdes de science-fiction, descendants de ces automates qui fascinèrent l’imagination humaine depuis de nombreux siècles ? L’une ou l’autre explication semblent plausibles et d’autres sont assurément envisageables. Comme dans bien des cas, la convergence de plusieurs phénomènes culturels pourrait être la cause tant de la création que du succès (relatif) de l’expression.
Mon utilisation personnelle se rapprocherait davantage de « dzt dzt », pour laquelle je pourrais concevoir que l’on doublât (voire triplât) le Z afin de mouiller un peu le son d’un mauvais contact électrique : « dzzt dzzt ». Aussi, je n’ai pas tendance à considérer l’onomatopée comme un nom, ainsi que présenté dans la question, mais plutôt comme un son ne requérant aucun article :
- « Mon cerveau fait dzzt dzzt »
- « J’ai le cerveau qui fait dzzt dzzt »
Dans le même esprit d’un circuit électrique dans la tête, nous utilisons souvent chez moi (dans ma petite famille) l’expression « avoir les fils qui se touchent », qui déclare explicitement qu’un court-circuit a eu lieu, généralement pour indiquer qu’une grande colère, un total abasourdissement ou une incompréhensible folie a déferlé sur nos pensées et en a momentanément pris le contrôle.
« Mon cerveau fait des bulles/bubulles »
Je rencontre rarement cette expression sous cette forme en particulier, mais ma conjointe et sa sœur parlent régulièrement de bulles qui passeraient dans le cerveau :
- « Il m’est passé une bulle au cerveau »
- « J’ai eu une bulle au cerveau »
Le contexte de ces utilisations m’a fait penser qu’il s’agissait d’un arrêt momentané du bon fonctionnement du cerveau dû au fait qu’une bulle y est passée, l’analogie étant une fois de plus mécanique : une bulle d’air dans une conduite de carburant provoque un hoquet caractéristique lorsqu’elle arrive au carburateur d’un moteur¹. Ce hoquet cervical est une façon comme une autre de s’excuser d’une bêtise que l’on a dite ou faite.
La très imagée expression anglaise « brainfart » propose une image similaire, mais là où l’on pourrait concevoir, anachronisme linguistique mis à part, un habitant de l’ancienne Égypte parler de « pets cervicaux », la bulle au cerveau, tout ancienne que soit la bulle dans la culture humaine, me semblerait en ce cas plus contestable, car impliquant la connaissance des moteurs à combustion ou à explosion.
Si « avoir le cerveau qui fait des bulles » est aussi utilisé pour signifier autre chose, l’ébullition des idées par exemple a été suggérée, je ne l’ai jamais entendu ou lu, et ne saurais par conséquent en discuter constructivement. Je m’en abstiens donc.
La crampe au cerveau à laquelle Brac a déjà fait allusion ici a été utilisée il y a quelques années par Serge Fiori dans cette chanson.
¹ En commentaire d’autres messages, on a aussi mentionné une analogie possible avec une bulle de savon, qui attire l’attention du penseur (si j’ai bien compris) et la soustrait momentanément aux soucis de ce monde. Les bulles de savon possèdent en effet une certaine qualité hypnotique que je ne nierai pas, et si mon entendement personnel s’accomode mieux de la bulle d’air dans le carburateur (à cause entre autre de la similarité des expressions : comparez « Il est passé une bulle dans le carburateur »), il importe de demeurer intéressé aux autres interprétations communes, celles-ci s’avérant parfois plus exactes que les siennes, mais aussi parce que même dans le cas contraire, il arrive qu’elles orientent et expliquent, par leur omniprésence, le devenir, la métamorphose et les nouvelles utilisations d’expressions idiomatiques.