Le verbe « expérimenter » dans la première phrase est très probablement un très récent complément de l'usage lui aussi récent du mot « expérience », qui apparemment nous vient du monde commercial de l'informatique américain, non pas que le mot n'existe pas en français mais du seul fait que l'usage français ne l'a jamais étendu aussi bas dans le parler de tous les jours, ou pour mieux dire, ne l'a pas vulgarisé.
« Expérimenter » a deux sens d'après le TLFi, les deux sens « A » en relation avec les expériences vécues, puisque évidemment il faut exclure les sens « B » concernant les expériences provoquées.
A.− [Expérimenter renvoie à une expérience vécue]
1.Éprouver, apprendre, découvrir par une expérience personnelle :
1/ Ainsi j'expérimentais sans cesse à travers elle combien le monde visuel diffère du monde des sons et à quel point toute comparaison que l'on cherche à tirer de l'un pour l'autre est boiteuse. Gide, Symph. pastor.,1919, p. 894.
− Absolument :
2/ La tradition vous répugne et le neuf (...). Le neuf est tout de suite à l'école. De cette minute il cesse de l'être. Vous le classez, vous l'étiquetez et, comme vous n'admettez pas qu'un artiste expérimente, vous exigez de lui qu'il se répète. Cocteau, Lettre Amér.,1949, p. 16.
2. Ressentir brutalement une sensation, un sentiment qui pourrait à l'avenir servir de leçon. Il expérimenta là une de ses pires épreuves (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 411).
On doit pouvoir se convaincre aisément que de ces deux définitions, celle que l'on peut appliquer dans le cas présent d'une interaction commerciale de routine n'est que la première puisque l'on ne peut pas arbitrairement supposer qu'il s'agirait de sensation brutale, et serait-il question d'une telle sensation à la découverte que l'on a été roulé et que l'on en est pour son argent, par exemple, il n'y a aucun escroc qui pousserait la perversion jusqu'à aller s'enquérir auprès de sa victime de l'intensité du choc créé.
Donc, ces commerçants sont curieux de savoir comment vous avez été affecté par cette interaction dans le sens d'avoir eu des sentiments particuliers, d'avoir appris des choses nouvelles, d'avoir fait des découvertes, tout cela dans le cadre de cette interaction.
À mon avis, il n'y a pas dans ce vocabulaire de bien grande erreur d'identification de concept mais seulement un glissement de l'ensemble habituel des concepts susceptibles d'être appréhendés par ce vocabulaire vers un ensemble de même nature sauf que les éléments de celui-ci seraient beaucoup moins intellectuels. C'est ce qui détonne, encore à mon avis, dans l'utilisation du mot « expérimenter » en relation avec les états d'esprit associés aux formalités et actes qu'implique un simple achat. Là où en d'autres temps on aurait simplement demandé au client ce qu'il pensait du service, on insiste maintenant pour connaitre ses réactions intimes concernant le service, ses pensées plus réfléchies, et cela semble excessif.
En ce qui concerne la seconde phrase il semble que l'usage du verbe « se passer » soit trop fort; il n'est question dans une opération d'achat ni d'épreuve, ni de situation offrant le moindre danger ou la perspective d'un bien grand inconnu, ni d'obstacle difficiles à surmonter – c'est surtout dans ces cas-là que l'on demande comment ça s'est passé –, et après tout ce n'est souvent qu'un acte de routine que beaucoup trouvent ennuyeux et un gaspillage de temps; on a tellement peu d'intérêt de nos jours pour l'expérience de l'achat in situ que l'on fait un maximum d'achats par télécommunication.
Cela mis à part, ma critique pour le mot « expérience » est la même que pour le mot précédent, qui s'y rapporte directement.