12

Parcourant le tableau qui résume les exceptions parmi les comparatifs, je viens de (re)découvrir que pis était à l'adverbe mal ce que pire est à l'adjectif mauvais.

Les comparatifs voisins (mieux, meilleur ou pire) sont très fréquents (voire trop), on eût donc pu croire que naturellement il en fût de même pour pis… mais non ! De nos jours presque personne ne l'utilise, et ngrams nous laisse penser que ça a longtemps été comme ça :

enter image description here

Il y a pourtant quelques expressions courantes telles que tant pis, ou de plus rares pis-aller¹, qui l'utilisent. Et même s'il me semble parfois possible de l'employer sous quelques formes, comme dans :

Il ne saurait rien arriver de pis.

voici d'autres phrases dans lesquelles il ne me viendrait jamais à l'idée de l'employer (alors qu'à sa place, mieux ne me poserait aucun problème) :

C'est pas pis !
Il s'exprime pis que moi !

Doit-on considérer que ces phrases sont correctes ? Fut-il un temps où ce genre d'utilisation était courant ?

Question bonus : Des mots qu'offrent les bouquins de grammaire, il semble qu'aucun ne soit pis aimé que celui-ci. Y aurait-il par hasard une explication à cela ?


1. @Evpok citait celui-ci récement.

7
  • Je pense qu'il faudrait plutôt comparer l'usage de pis et de pire, qui sont deux formes du même signifié. Quand on compare ces deux, on note un décrochage en faveur de pire vers 1900.
    – glmxndr
    Sep 24, 2011 at 18:36
  • 1
    @subtenante: bien vu, j'avais raté cette comparaison. Par contre, je remarque que dans une grande partie des résultats récents retournés par ngrams, pis est utilisé comme une alternative familière à puis (et pas du tout comme un comparatif). Sep 24, 2011 at 18:48
  • 2
    AMHA sa prononciation se rapproche trop de celle de pire. La seule expression encore usitée de nos jours qui me vient serait de mal en pis.
    – Knu
    Sep 24, 2011 at 21:00
  • 1
    On lui en a fait voir pis que pendre.
    – mouviciel
    Sep 24, 2011 at 22:09
  • 3
    @Knu : c'est pis que pendre d'oublier cette expression (une antanclase pour faire plaisir à Joubarc). (Le temps d'écrire ma réponse je n'avais pas vu que mouviciel l'avait déjà citée... je devrais supprimer mon commentaire, mais la tentation d'antanaclase est la plus forte !)
    – glmxndr
    Sep 24, 2011 at 22:47

2 Answers 2

7

Wilmet

Il s'exprime pis que moi !

Cette utilisation ne me choque en rien. Pis est un adverbe, et il est utilisé dans ce cas exactement de la même manière que le seraient mieux, plus ou moins, adverbes de la même famille.

Je citerais la Grammaire Critique du Français (3e édition), section 685 concernant les sous-phrases adverbiales, par exemple Il est plus grand que je ne pensais. Wilmet nous cite comme articulation avant le que :

Adverbes concernés : ailleurs, ainsi, aussi, autant, autrement, davantage (l'archaïsme davantage que jugé «vulgaire», allez savoir pourquoi), mieux, moins, pis, plus, plutôt, si, tant, tellement. Plus l'adjectif tel, les deux adjectifs comparatifs «synthétiques» meilleur, pire, les deux adjectifs de sens «extrinsèque» autre et même. [...]

(La graisse est mienne, pour faire ressortir pis et pire.)

Selon Wilmet, donc, on a également comme usage possible : Il s'exprime pire que moi !, par utilisation d'un adjectif en lieu et place d'un adverbe. Le sens me paraît identique, et aucun des deux ne me choque.

Je faisais dire à Wilmet ce qu'il ne dit pas : pire et meilleur peuvent en effet introduire des sous-phrases adverbiales, mais pas avec n'importe quel verbe. Les verbes d'état, par exemple, mais pas des verbes comme aller, parler, ou s'exprimer. Et si aux petites heures nocturnes, l'utilisation de pire ne me gênait pas, en plein soleil il semble bien qu'elle pose problème.

C'est pas pis !

Là encore, on substituerait facilement mieux ou meilleur, je ne vois donc pas d'obstacle à utiliser pis là où on a pris l'habitude d'utiliser pire. La langue étant ce qu'on en fait, et pis restant compréhensible, je pense que je vais me mettre à l'utiliser un peu plus souvent là où l'adverbe est attendu de préférence.

Grevisse

Concernant ce que disent Grevisse et al., avec qui Wilmet n'est manifestement pas très d'accord, on peut lire que pis est en fait généralement un adjectif (mais peut aussi être un nom ! de même que pire peut l'être dans c'est pas le pire, on pourrait dire c'est pas le pis); néanmoins, Grevisse accorde la concurrence faite par pire, tout en citant l'exemple de Diderot Ce qu'il y a de pis, qui me semble très proche de C'est pas pis.

Les lapins

Comme réflection nocturne, je dirais que pis souffre aussi d'une homonymie avec le pis de, par exemple, la vache. Le pis était néanmoins à une époque le mot désigné pour ce qui est désormais le sein (la mamelle de la femme).

Le pire remplace-t-il le pis comme les lapins remplacèrent les connils ?


Réponse bonus : oncques n'en ai vu parler chez quelque grammairien plus extensivement qu'en une ligne lapidaire.

5
  • 2
    C'est pas pis fait quand même penser qu'on parle de grand-père.
    – Joubarc
    Sep 24, 2011 at 23:49
  • 2
    @Joubarc : certes. Quand le «pas pis» sent pire, c'est par un décret pis que pendre que l'empire de pis se décrépit. Tant pis.
    – glmxndr
    Sep 25, 2011 at 0:09
  • 1
    Merci pour la réponse. Par contre, « il s'exprime pire/meilleur que moi » ça me semble vraiment « mauvais » formé. Les seuls adverbes (ou groupes adverbiaux) que j'emploierais dans la vraie vie seraient mieux ou plus mal (qui semble avoir remplacé pis dans la majorité des cas). Sep 25, 2011 at 15:32
  • Hmm... en effet.
    – glmxndr
    Sep 25, 2011 at 16:23
  • Sans commentaire des Belges et Manneken Pis ?
    – livresque
    Aug 2, 2019 at 11:17
2

Une explication un peu moins académique pourrait être:

enter image description here

Your Answer

By clicking “Post Your Answer”, you agree to our terms of service and acknowledge that you have read and understand our privacy policy and code of conduct.

Not the answer you're looking for? Browse other questions tagged or ask your own question.