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Dans un document datant de 2004 (p.20), on parle de mots en péril et on donne entre autres le verbe emmitonner, qu'on retrouve au FEW/Wartburg et au vieux Littré :

emmitonner (an-mi-to-né) v. a.

Terme populaire. Envelopper dans des mitaines les mains, et par suite tout le corps dans quelque étoffe moelleuse.

  • Fig. Emmitonner quelqu'un, le circonvenir, l'endormir sur ses intérêts.
  • S'emmitonner, v. réfl. S'emmitonner dans une bonne douillette.

HISTORIQUE
XVIe s. "Tel qui se tient emmitonné dans les martes jusqu'aux aureilles", [Montaigne, I, 259]

ÉTYMOLOGIE
En 1, et mitonner.

[ Dictionnaire Littré, « emmitonner » ]

L'emploi populaire fait penser à un embaumement. On a aussi le sens au figuré circonvenir, endormir. La référence étymologique au Littré est curieuse ; mitonner (16e) vient de mitonnée, et c'est le sens culinaire du terroir Normand de longuement mijoté, avec l'idée du miton (dérivé de mie), le morceau de pain. Il y a ensuite une extension de sens de mitonner vers le figuré pour la préparation délicate d'une chose, puis au 17e suivent aussi l'application aux personnes et la forme pronominale (DHLF/Rey) de (se) mitonner. Je ne vois pas le lien avec envelopper dans des mitaines les mains, comme dans Montainge, et c'est le verbe mitonner.

C'est qu'on a aussi un tout autre sens pour miton, celui de la manchette, du gant ; dérivé de la mite (aussi FEW/Wartburg). On a la mitaine, de cette ancienne mite, et, par allusion, la fourrure. On a aussi la moufle, ce gant épais ; on note qu'une mitaine au sens ancien (gant sans séparation sauf pour le pouce) est une moufle en France depuis 1718 (par déduction vu la spécialisation de mitaine pour le gant dont les phalanges sont découvertes à compter de cette date, DHLF/Rey ; contra Canada, mitaine = moufle). Cette deuxième a joué sur la première, et on a déjà eu cette altération, la mitoufle (16e) ; on dit aussi que mitouflé provient d'un croisement de mitaine et emmouflé. La mitoufle est disparue mais nous a laissé le verbe emmitoufler. On a aussi mitainé pour qui porte des mitaines, mais on n'a jamais eu emmitainer ; c'est bien emmitonner.


Au final emmitoufler, dont le substantif (mitoufle) voulant dire mitaine/moufle est disparu, s'est imposé sur emmoufler et emmitonner, disparus, dont les substantifs sont usuels (mitaine/moufle) ; le tout élaboré semble-t-il initialement à partir de l'idée de mettre des mitaines/moufles...


  • Peut-on confirmer cette étymologie ? De quel miton s'agit-il dans emmitonner : est-ce une extension de la soupe, ou de la mitaine ?
  • Le verbe emmitonner est-il vraiment disparu ?
  • Le cas échéant, est-ce donc pour ainsi dire la marmite normande (mitonnée) qui est responsable, par trop forte compétition, non pas de l'étymologie d'emmitonner (pour emmitoufler) comme on l'affirmait au Littré, mais plutôt de sa disparition ? Est-ce généralement l'exemple d'une manifestation de l'empire de l'art culinaire sur la langue française ?

1 Answer 1

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Emmitonner1 ? Première rencontre :
emmi- donne l’idée de mettre en (dedans) et mi (au mi-lieu), mitonner donne l’idée d’une préparation culinaire longue, soigneuse et douce à la fois, comme une soupe surveillée de temps en temps sur un des coins les plus tempérés d’une antique cuisinière à bois, près de laquelle il fait bon se tenir l’hiver, et donc l’idée, comme dans emmitoufler, de se tenir au chaud dans une chaleur bienfaisante, confortable qui devient lénifiante en affaires : dans ces situations on se détend, on baisse sa garde.

Que selon les patois et usages régionaux, on soit parti de soupe ou de mitaine, deux moyens de lutter contre le froid, qu’il y ait eu des échanges, des assonances, des jeux de phonèmes, il n’y a plus d’oreilles pour saisir ces évolutions qui fluctuent dans l’oralité.

Mais la question demeure intéressante.
Il y a dans quelques-uns de mes neurones, une saveur dans emmitonné (peut-être une nostalgie des mots oubliés) qui me ferait pencher pour soupe alors que logiquement mitaine me séduit.

Il y a quelque part dans emmitoufler (dans des vêtements et donc de mitaine) l'idée d'une protection contre le souffle [de l'hiver] donc à l'extérieur, et dans emmitonner l'idée de coin chaleureux des maisons d'autrefois : dans la cuisine (préparation mitonnée) ou sous la couette.

... mais tout cela n'a rien d'académique, seulement une perception de la musique des mots... qui peut avoir d'autres interprétations.

On ne voit pas les gens emmitonnés (cocooning du IIIe millénaire), car ils sont chez eux, mais on les voit emmitouflés (dans des "polaires", qui complètent les mitaines).
Ce serait donc l'usage qui privilégie l'un sur l'autre.


1Disparu du petit Robert

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  • @RiguefortUltraquaillette 1- Il me semble difficile de confirmer l'étymologie, tant ces mots ont eu des accents et des lieux d'expressions différents, et les expressions régionales préférées d'avant guerre se sont uniformisées avec les nouveaux médias. 2- emmitonner à disparu (au moins pour 99% des francophones hexagonaux). 3- On ne voit pas les gens emmitonnés (cocooning du IIIe millénaire), car ils sont chez eux, mais on les voit emmitouflés (dans des "polaires", comme les ours !). Ce serait donc l'usage qui privilégie l'un sur l'autre.
    – Personne
    Sep 14, 2015 at 13:10

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