L'article auquel on réfère présente tout d'abord une traduction du Guide anglais-français de la traduction (R. Meertens) où on rend the elections scheduled for March1 par les élections prévues en mars (il faut noter qu'on a l'expression déclencher des élections par opposition au moment de la tenue du scrutin, le moment des élections). Mais le choix de la préposition participe de l’ambiguïté dont on traite à la fin de l'article mais qu'on ne signale pas d'entrée de jeu pour ce premier exemple.
Dans Le bon usage (Grevisse et Goosse, ed. Duculot), au §315c, on donne un exemple qui illustre ce genre d'ambiguïté, quoiqu'avec un verbe différent :
Je les ai invités ce matin pour demain soir. (LBU)
Je les ai invités pour demain soir.
*Je les ai invités en matinée. [ambigu]
*Je les ai invités en matinée en après-midi. [incohérent]
*Je les ai invités ce matin en après-midi. [incohérent]
Ici, quand on omet le premier complément (moment de l'invitation), on conserve la préposition avec le deuxième pour indiquer qu'il réfère au moment où la rencontre aura lieu. Dans cet exemple seule la préposition pour n'introduit aucune ambiguïté pour désigner le moment où elle se tiendra. En effet, on a le moment où l'invitation est faite (ce matin), mais surtout le moment de la rencontre (demain soir), évidemment un moment futur.
Avec en on s'appuie sur le contexte pour atténuer l'ambiguïté : on sait par exemple qu'on ne perd pas de temps à nous parler du moment où l'on formule une prédiction/invitation ; on identifie la source et on parle surtout du moment où l'évènement va se produire et de l'évènement lui-même. On peut aussi avoir différents énoncés qui précèdent, avec des indications de temps ou des notions (comme déclencher des élections) qui peuvent préciser le contexte. Mais l'emploi avec en seul impliquerait avec inviter qu'il puisse amorcer un deuxième complément quand le premier serait omis, et qu'il puisse établir clairement le sens du moment où l'évènement annoncé se produit. Avec deux compléments débutant par en, il manquerait un verbe non équivoque pour orienter le deuxième complément avec le verbe présenté en question (par exemple : la rencontre (qui est) prévue ce matin aura lieu en après-midi / est reportée à cet après-midi). L'ambiguïté subsisterait mais serait pour ainsi dire neutralisée, sauf que ce n'est plus un seul et même verbe (voir aussi prévoir + que).
La manière de cibler un moment le plus précisément avec une préposition implique sans doute d'utiliser à ou un déterminant et une date (prévoir la date des éclipses, TLFi), plutôt que les idées associées à pour (vers) et en (contenu d'un mois). Même si ces prépositions peuvent2 rendre un moment précis dans le temps, l'évènement se déroulera à une date précise. Mais avec prévoir on n'est pas plus capable à mon avis de réaliser sans ambiguïté le moment où doit se concrétiser la prédiction, avec un complément en à qu'avec un complément construit avec en :
*Le prochain passage de la comète est prévu au mois de septembre 2015. [ambigu]
*Le prochain passage de la comète n'est prévu qu'en septembre 2015. [ambigu]
À mon avis l'ambiguïté persiste, et on pourrait ajouter aux deux exemples pour janvier 2016 et ainsi détrôner le complément débutant par au ou en.
La construction avec en qu'on a présenté avec le verbe prévoir m'apparaît ambiguë et si l'on devait l'utiliser avec un premier complément de temps, on utilisera pour avec le deuxième. La préposition pour semble au final, à mon avis, la seule qui soit apte à générer systématiquement ici l'idée de la fin du terme de la prédiction, s’achevant à la faveur du moment où celle-ci se concrétise (ou non).
Quant à l'affirmation selon laquelle la préposition en est plus fréquente avec les noms de mois, on aurait aimé en savoir davantage (on cite un extrait du Devoir, un autre de Radio-Canada et un au Figaro). À mon avis en mars, c'est simplement au mois de mars. Je n'interprète pas les résultats au corpus Google mais on peut jeter un coup d’œil (1, 2, 3) sur les prépositions avec prévoir.
1. C'est hors sujet, mais en anglais il est 100% clair que scheduled for+moment réfère au moment de réalisation de l'objet de la planification. On a aussi des nuances : the meeting was scheduled this morning for later this afternoon ; the meeting we scheduled in the/this morning for later this afternoon will be held on Friday instead etc.
2. Il y a des exemples d'affinités particulières de prépositions avec certains verbes/compléments, comme dans le cas du verbe partir, alors qu'on dit je pars en vacances (en est souvent utilisée avec plusieurs expressions figées) mais je pars pour un long voyage quand il est déterminé. Et c'est avec ce verbe qu'on a critiqué les emplois d'autres prépositions que pour pour réaliser la destination, depuis qu'ils sont apparus au 18e. Avec partir, on utilise pour afin d'indiquer le terme de l'absence, et non pas pendant qui signifierait la durée du départ. D'autres phénomènes impliquent par exemple un verbe utilisé comme factitif, comme lorsqu'on oppose éviter quelque chose ou quelqu'un à éviter quelque chose à quelqu'un. On part d'un sujet grammatical qui réalise l'action du verbe pour glisser vers une construction avec un complément indirect qui devient en fait celui qui va réaliser l'action d'éviter. On utilise souvent la préposition à dans de tels cas.