La raison de ce phénomène est phonétique. En français c'est la dernière syllabe de la phrase ou du groupe de mots qui est accentuée. Quand un mot se termine par un e muet c'est l'avant-dernière syllabe qui est accentuée. Dans le cas d'inversion du sujet avec je, le sujet lui-même ne pouvant pas être accentué, l'accent est reporté sur l'avant dernière syllabe.
Ce qui est possible avec, par exemple :
Suis-je vraiment aussi en retard ?
Me voici, dis-je en poussant la porte.
(syllabes accentuées en gras)
ne l'est plus quand le verbe se termine par un e muet (ce qui est le cas au présent de l'indicatif pour tous les verbes en -er et quelques verbes en -ir, et de tous les verbes, sauf être, aux temps simples du subjonctif) car le français n'admet pas l'accentuation sur l'antépénultième syllabe.
Dans le groupe de mot « chante-je » on ne peut faire porter l'accent tonique ni sur je (jamais accentué au contraire des autres pronoms sujets) ni sur la syllabe qui précède parce qu'elle se termine par un e muet :
La la la la la, chante-je gaiement.
devient :
La la la la la, chanté-je gaiement.
De façon à rendre le groupe de mot prononçable selon les règles d'accentuation du français on met un accent aigu sur le e final du verbe.
À noter qu'il s'agit bien d'un accent aigu mais qu'il se prononce [ɛ].
Voici comment Grevisse présente le phonème (Le Bon Usage, dixième édition ; Les parties du discours, le verbe, § 638, A) :
Le pronom je postposé étant atone, fait en quelque sorte, corps avec le verbe. or comme la langue n'admet, dans aucun cas, que l'accent d'intensité frappe l'antépénultième syllabe, on a dû, dans la combinaison du verbe et du pronom je, accentuer la pénultième, c'est à dire la syllabe finale du verbe : de là le changement de l'e muet en e ouvert (noté abusivement é).
Ce phénomène se trouve dans tous les cas d'inversion du sujet, pas seulement donc dans les tournures interrogatives, mais aussi dans les propositions incises ou les propositions qui expriment un souhait.
Nous faisons la guerre, m'écrié-je (Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre)
Puissé-je en finir avec cette histoire !
Je tiendrai jusqu'au bout, dussé-je en mourir.
À remarquer aussi (et Grevisse le signale) que ce é est parfois remplacé par -ai
Dussai-je cent fois y périr (J.J. Rousseau, Les Confessions)
-ir verbs always have an -i to break up the cluster.
The -ir verbs that end with e in the 1st person present tense are:
assaillir, couvrir, cueillir, défaillir, offrir, ouvrir, souffrir, tressaillir.
Mais, en m'offrant à vous, que vous offré-je ? (Denis-Xavier Clément Exercices de l'âme - 1827)
Si je souffrais de ma réclusion je ne l'avouerai jamais, certes ; mais en réalité, en souffré-je ? (Albert Grunberg, Journal d'un coiffeur juif à Paris, sous l'Occupation, 2001).
Sur ce dernier exemple on pourrait se demander si l'auteur a bien voulu employer le présent, car dans cette phrase l'imparfait serait aussi possible, donc « en souffrais-je ».
Suite aux commentaires sur la différence graphie/phonie du é qui se prononce [ɛ], j'ai continué à réfléchir et j'ai consulté l'orthographe rectifiée de 1990 - et donc depuis 1990 on peut aussi écrire ce e final, qui apparaît dans les inversions avec le pronom je, conformément à sa prononciation [ɛ], c'est à dire avec accent grave : è. Plus dans l'article Grammaire française:La postposition du sujet du wiktionary. Avec, au passage de nombreux exemples pour illustrer cette inversion.