Je suis en train d’écouter l’audiolivre « Le meurtre du commandeur », par Haruki Murakami. L’un des personnages de ce roman, si on peut l’appeler « personnage », est une idée dotée de la capacité de s’incarner de temps en temps, en choisissant la forme qu’elle prendra plus ou moins à son gré. À ce stade du récit, la forme choisie est celle d’un personnage d’un tableau (« le meurtre du commandeur ») représentant une scène de l’ancien Japon, et plus précisément celle du commandeur lui-même. L’idée, ou plutôt son incarnation, se présente donc vêtue à la façon d’une époque très lointaine. En même temps, en tant qu’idée, on peut considérer soit qu’elle existe depuis toujours, soit qu’elle existe en dehors du temps – et puis il y a d’autres éléments de l’histoire qui laissent penser qu’elle a peut-être habité, autrefois, l’esprit d’un bonze qui se serait enfermé dans une fosse pour devenir « Bouddha à même le corps. »
Je me demande si les repères linguistiques de ce personnage seraient propres à l’idée elle-même, ou bien empruntés, pour ainsi dire, du commandeur (dont elle emprunte aussi le nom)... ou encore du bonze.
Dès sa toute première apparition, le commandeur n’hésite « point » à introduire dans son discours des « ô que né-ni ! », des « oui-da ! », ou encore des « dam’oui ». Jusque-là j’avais pris ces tournures pour « le français d’autrefois » même si, plus généralement, sa façon de parler reste pour le moins étrange - mais voilà maintenant qu’il dit :
« Longtemps ? Point du tout ! [...] une idée, ça s’en va et ça revient, de par le monde entier, tantôt par ci, tantôt par là, et ça réapparaît tous les cent ans, parfois même tous les mille ans, oui da ! Un jour ou deux, c’est carrément tout à fait que quick ! »
Or, « quick » just can’t be old French. Je me demande donc quelle impression la façon dont le commandeur s’exprime ici pourrait donner à un lecteur de langue maternelle française. Des éclaircissements sur les « ô que né-ni ... » seront tout aussi bienvenus, da m’oui !