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Veuillez déceler les mots que j'ai colorié en gras dans la définition de TOUTEFOIS citée :

Adverbe coordonnant, introduit un rectificatif destiné à empêcher qu'on ne généralise trop la portée de l'assertion précédente ou à la limiter en énonçant un fait qui en est exclu: toutefois pose deux faits qui s'opposent sans que le deuxième ait le pouvoir de détruire la valeur du premier`` (M.-A. Morel, Ét. sur les moyens gramm. et lex. propres à exprimer une concess. en fr. contemp., 1980, p. 736).

A. − [Dans une phrase grammaticalement indép., marque une relation d'oppos. restrictive avec la phrase ou la prop. précédente; ce qu'exprime la première prop. n'est pas une raison suffisante pour que ce qu'exprime la seconde soit exclu]

[...]

Rem. Contrairement à cependant ou pourtant qui ont un sens concess., toutefois signifie plutôt la restriction. Ainsi on dira: Sa voiture est en rodage; cependant/pourtant il ne la ménage pas (« bien qu'elle soit en rodage... »). On accepte plus difficilement: Sa voiture est en rodage; toutefois il ne la ménage pas; la prop. _il ne la ménage pa_s ne limitant pas la validité de la prop. qui précède − que cette prop. soit considérée en elle-même ou dans ses conséquences −, toutefois n'y a pas sa place.

B. − [Marque une oppos. entre deux mots, syntagmes ou prop., de même fonction gramm.]

[...]

Étymol. et Hist. A. Loc. conj. 1. ca 1180 totes les foiz que « chaque fois que » (Chrétien de Troyes, Yvain, éd. M. Roques, 2585); ca 1208 [ms. 2emoit. xives.] totes foiz que « chaque fois que » (Villehardouin, Conquête de Constantinople, 166) cf. Imbs, Prop., pp. 260-265.

2. ca 1230 toutes les fois que « aussitôt que » (Chevaliers as 2 espees, 2440 ds T.-L.). TOUTEFOIS : Définition de TOUTEFOIS

2. ca 1230 toutes les fois que « aussitôt que » (Chevaliers as 2 espees, 2440 ds T.-L.).

B. Adv. 1284 [ms. F] « pourtant, en revanche »

Wiktionnaire ne repère pas les notions sémantiques qui sous-tendent 'toutefois' et l'opposition et la restriction. Il m'est évident que 'revanche' signifie la rétorsion, qui entraîne un différend. Mais 'toutefois' me paraît neutre, et n'entraîne aucun heurt.

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  • Je ne trouve nulle part que « toutefois » signifie « en revanche » et n'ai jamais compris « toutefois » ainsi ; il est vrai cependant que dans l'ancien français cette acception existait : (TLFi, étymol.) B. Adv. 1284 [ms. F] « pourtant, en revanche » (BRUNET LATIN, Trésor, éd. P. Chabaille, I, 176, p. 224: ja soit lïons de si haut corage [...], toutefoiz aime il home mervilleusement [éd. Fr. J. Carmody: totesvoies]) _ Quel est le dictionnaire moderne qui donne cette définition ?
    – LPH
    Aug 11, 2019 at 4:38
  • entrainer : (TLFi) Amener, faire venir à la suite. _ Il me semble que le différend est la cause et donc une réalité qui précède (il ne vient pas à la suite), à moins que je ne comprenne pas ce qui est vraiment dit ici.
    – LPH
    Aug 11, 2019 at 4:51
  • @LPH 'Quel est le dictionnaire moderne qui donne cette définition ?' Je me focalisais sur cette définition-là que vous avez citée. Je n'ai pas perçu qu'elle ne s'applique qu'au ancien français !
    – user1995
    Aug 11, 2019 at 5:57
  • Tu ne dis pas dans ta question où tu as lu que toutefois puisse vouloir dire en revanche. Aucun des dictionnaires contemporains que j'ai consultés (DHLF, Larousse, Petit Robert) ou en ligne ne signale que toutefois puisse avoir le sens de en revanche.
    – None
    Aug 11, 2019 at 7:25
  • L'indication de l'emploi « pourtant, en revanche » dans une traduction du Trèsor de Brunetto Latini (13e s.) que LPH signale dans la partie étymologique du TLF, résulte probablement d'une erreur du traducteur (édition jugée parfois peu sûre). Ce que confirme cet article Les « pseudo-adverbes » concessifs neporuec, neporquant, nequedent et l’adverbe toute(s)voie(s) en ancien français qui cite la même phrase avec sa traduction.
    – None
    Aug 11, 2019 at 7:25

1 Answer 1

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Contrairement à ce que suggère le titre de la question, toutefois n'a pas "glissé sémantiquement". Il a toujours eu une valeur concessive même si, effectivement, l'expression dont toutefois est issu n'en portait pas.

Toutefois est ce que certains appellent un marqueur de concession. Le français moderne en connait d'autres (cependant, pourtant, néanmoins...) (0)

Ces adverbes proviennent de locutions qui n'étaient pas des marqueurs de discours et qui, effectivement, ne portaient pas de valeur concessive.

Pour ce qui est de toutefois, le point de départ est la locution nominale to(u)tes voies dont le sens est celui de par tous les chemins, de toutes les manières, dans tous les cas)

Comme les trois autres, cette locution a d'abord subi un processus de grammaticalisation qui l'a transformée en forme adverbiale figée, (toujours sans valeur concessive)

Cette forme adverbiale a, par suite, connu un processus de pragmaticalisation (4) au cours de laquelle elle acquiert une valeur concessive qui, dans un premier temps coexistera avec la valeur d'origine (non concessive) avant de devenir sa seule valeur. (1)

Comme en chaque occasion où voie perd sa valeur spatiale au profit d'une valeur temporelle, il se transforme en fois. C'est à partir de 1350 que l'on ne rencontrera plus que la forme "moderne" de toutefois (parfois écrite toutefoys) ayant dans le même temps que la perte de sa valeur spatiale acquis la valeur concessive.

Pour les raisons ayant amené la valeur concessive : - on commencera par observer la présence de tout qui influence de façon similaire les marqueurs de concession dans de nombreuses langues. (2) - On observera aussi la position de l'adverbe dans les premiers textes. Le fait que toutevoie / toutefois se trouvent très souvent en début de proposition principale après une subordonnée concessive a pu s’interpréter comme la preuve qu’ils étaient eux-mêmes concessifs.(3)

Enfin, et comme plusieurs fois observé dans les commentaires de l'OP, "en revanche" n'a pas grand chose à faire dans cette discussion. En revanche étant tenu non pour un concessif mais bien pour un adversatif.


(0) Le français-ancien connaissait nemporro, neporuec, neporquant,nonporcant,nequedent,neportant, nonportant...

(1) Soutet date de la fin du XIIIè l'apparition de la valeur concessive : "Moult en y ot de noiez en l' un fleuve et en l' autre ; et toute voies en demoura il grant partie aus quiex en n’osa assembler (Joinville, Vie de saint Louis)

(2) On peut penser à l'anglais (although, however, anyway...); à l'allemand (allerdings bei all...); sans compter le latin quamquam

(3) C'est en tout cas le constat de Martin et Wilmet (1980 : 232), entre autres.

(4) Entendre ici le développement, par une unité lexicale ou grammaticale, d’un emploi stabilisé où elle ne participe plus à la construction d’un sens référentiel, mais marque une prise de position métadiscursive du locuteur (5) (cf. Dostie 2004) Pour une compréhension plus détaillée du processus de pragmaticalisation, on consultera Badiou/Buchy (p127-) et en particulier le synoptique p138.

(5) La prise de position métadiscursive du locuteur est un fait commun à tous les marqueurs discursifs dans la mesure où (cf Morel 1996) la concession consiste à poser une relation A->B avec B, inverse d'un B1 attendu subjectivement (dans la logique du locuteur) comme phénomène relié à A.

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  • 'Cette forme adverbiale a, par suite, connu un processus de pragmaticalisation au cours de laquelle elle acquiert une valeur concessive qui, dans un premier temps coexistera avec la valeur d'origine (non concessive) avant de devenir sa seule valeur.' SVP, pourriez-vous élargir ?
    – user1995
    Aug 26, 2019 at 3:23
  • Can you please respond in, by editing, your answer? Comment chains are cumbersome to read.
    – user1995
    Aug 26, 2019 at 3:23

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