Les deux expressions « J’ai mon voyage » et « J’en ai mon voyage » sont très communément utilisées, avec ou sans le sacre introductif.
J’ai mon (crisse de) voyage !
Utilisé pour signifier la surprise, l’étonnement, la stupéfaction. Les versions avec sacre intensifient l’ampleur de la surprise, ainsi que supposé dans la question (positif, neutre ou négatif, selon la situation). Certaines gens ne sacrent pas ou peu, et beaucoup l’évitent ou l’utilisent parcimonieusement en certaines circonstances sociales. L’intensification se fera souvent en réexprimant la chose différemment, par exemple :
- Eh ben j’ai mon voyage ! Si j’me serais attendu(e) à ça ! C’est à peine creyable !
J’en ai mon (crisse de) voyage !
Vraisemblablement le cas observé par l’OP. Exprime l’écœurement, l’agacement intense, l’incapacité de garder son calme dans les situations auxquelles l’expression s’applique. De nouveau, le sacre intensifie et tend à exprimer un sentiment confinant à l’exaspération. Et de nouveau aussi, ceux qui ne sacrent pas ou ne veulent pas sacrer dans la circonstance du moment auront tendance à réexprimer différemment :
- J’en ai mon voyage de ses plaintes ! Je suis pus capable de compatir ! Complètement désensibilisé aux incessants petits drames de sa vie !
Une autre réponse propose « tellement », qui me semble une autre excellente proposition et une alternative commune au sacre :
- J’en ai tellement mon voyage de ces rénovations.
Potentiellement de nos jours avec un mais explétif :
- J’en ai mais tellement mon voyage des crissements de métal de ces pépines qui travaillent du matin au soir dans la rue.
Il est parfois possible d’omettre le « en », surtout sur le vif, lorsque l’agacement est évident :
- Là j’ai eu mon voyage ! Laisse-moi tranquille !
La version avec sacre serait en ce cas particulier assez hostile. On peut l’imaginer quand des myriades de maringouins vous empêchent de vous concentrer et que vous vous adressez à eux avant d’en écrapoutir un escadron, mais on ne saurait trop la déconseiller dans ses interactions avec des humains. Sinon, il existe d’autres situations fatigantes dans la vie, par exemple un problème de mathématiques particulièrement retors :
- J’ai eu mon crisse de voyage de ce problème-là pour à soir ! Je vas me coucher !
Variantes (québécoises et internationales)
Il existe quelques variantes québécoise à l’expression en avoir son (crisse de) voyage, dont « en avoir son (tabarnak de) tas » ou « en avoir son soûl », ce dernier un peu moins commun.
En plus du « ras-le-bol » judicieusement proposé dans la question, on pourrait citer une autre expression très similaire, présente de part et d’autre de l’Atlantique : « en avoir soupé de qqch », qui demanderait par contre un sacre adverbialisé au Québec :
- J’en ai crissement soupé de ses insinuations !
On pourrait peut-être aussi tracer des liens avec des expression comme « en remettre » ou « en rajouter », qui indiquent elles aussi à leur manière le même genre de sentiment, à savoir qu’il y en a déjà eu assez et que le surplus n’est plus bienvenu.
En avoir eu son voyage, donc, pourrait figurativement se comprendre comme une indication que l’on serait satisfait de se reposer un peu à la maison. Si le voyage est de plus très déplaisant et que le retour au bercail se laisse désirer, on peut y référer en le qualifiant de crisse de voyage.
De la même manière, je suppose que lorsque le tas devient envahissant, on se dit qu’il pourrait au moins cesser de grossir. Si le tas est sur le pas de l’entrée, qu’il est constitué de vidanges, que les chats du voisinage viennent y pisser, et qu’il nous empêche de fermer la porte en hiver, on pourra bien entendu le qualifier de tabarnak de tas.
Quant au soûl, on ne l’introduit pas à ma connaissance par un sacre, mais peut-être cela se faisait-il du temps de mes grand-parents, je ne sais pas. Le terme lui-même n’est plus aussi présent aujourd’hui que dans ma jeunesse.
Sacres positifs ou négatifs
Ainsi que mentionné dans les autres réponses, le sacre québécois peut être positif ou négatif.
- Positif : « Une crisse de belle fille !», avec une version possible sans le sacre : « Un méchant beau gars !»
- Négatif : « Un crisse de temps de marde !», ou sans le sacre : « Tout un temps de marde aujourd’hui !»