Cette réponse était un commentaire à la réponse de livresque, mais il est devenu suffisamment longue et comprenait suffisamment d'informations nouvelles que j'ai décidé d'en faire une réponse.
L'explication de Delphine Tribout est fondée d'un point de vue synchronique, mais reste insatisfaisante au niveau diachronique: La plupart des paires de la liste de Tribout contiennent un /t/ ou un /k/ palatalisé (hausser < altiare; lancer < lanceare, sauf tabasser (que le TLFi explique comme étant une variante de tapper + un suffixe argotique -ass-), plisser et coincer, où le /s/ est un véritable ajout non-étymologique.
Ce genre d'épenthèse est assez fréquente en français contemporain, qui tend à fournir une consonne à tous les mots se terminant par une voyelle une fois qu'on les suffixe. Cependant, la consonne épenthétique est presque systématiquement /t/ ou /n/ (après les voyelles nasales uniquement) : chouchou -> chouchouter, dodo -> dodoter, queue -> équeuter, cancan /kɑ̃kɑ̃/ -> cancaner /kɑ̃kane/. Les entorses à ce schéma sont souvent motivées par la rareté de la séquence ainsi produite (banlieue -> banlieusard, /øt/ étant rare alors que /øz/ est très fréquent. Dans le même genre, bleu a donné à la fois bleuté et bleusaille) ou l'attraction de mots similaires (bazar -> bazarder alors que bazarer aurait été très bien formé, par influence de paires comme bavard - bavarder, tard - tarder, cafard - cafarder, ou encore congolais et togolais, formés sur le modèle de sénégalais).
Bref, qu'est-ce qui a mené à la création de plisser et de coincer plutôt qu'à celle des réguliers "pliter" ou "coiner" ? On peut directement trouver un problème avec la rime /wan/, extrêmes rare dans les termes natifs du français (c'est /waɲ/ ou /ɔɲ/ qu'on retrouve à la place: soin - soigne, poing - empoigner et se pogner), qui aurait pu mener à des solutions de remplacement.
La première attestation de plisser citée par le TLFi est de 1538, celle de coincer de 1773. Plisser est suffisamment ancien pour que le suffixe pluriel ait pu l'influencer, mais pas coincer.
Le FEW signale une forme en -t- cointer dans le sud-ouest de la France (Poitou, Angoulême, "Bgât"), mais la version en /s/ (ou un dérivé du /k/ palatalisé) semble être majoritaire pour les équivalents de coincer dans les cousines du français. D'autres dérivés de cuneum présentent un /s/: écoinçon (TLFi) qui date du 14e siècle et le normand écoinc(h)eter (ébrécher).
Le FEW discute d'ailleurs brièvement de la consonne épenthétique, mais ne nous offre aucune solution: "cogner ist in einer zeit gebildet worden, da das stammauslautende ñ noch seinen nasal-palaten charakter hatte. Bei der neubildung des verbums von kwɛ̃ aus war ein fugekonsonant nötig; als solcher trat fast durchwegs s, in einigen gegenden t ein. Daher coincer" (Cogner a été formé à une époque où le son ñ de la racine conservait son caractère nasalo-palatal. Lors de la formation nouvelle d'un verbe à partir de /kwɛ̃/, une consonne-joint a été nécessaire ; en cette qualité, /s/ apparaît de manière consistante, /t/ dans certaines régions, d'où coincer).
Pour plisser, une note de l'entrée plicare du FEW (page 74) indique: "Dieses verbum ist offenbar vom plural von pli abgeleitet. Vielleicht hat auch das vorbild van plais: plassier (gesprochen plę: plęse) eingewirkt, s. *plaxus. Aus dem fr. entlehnt ndl. plisseeren" (Ce verbe est manifestement dérivé du pluriel de pli. Peut-être le modèle de plais - plaissier (prononcé /plɛ/ - /plɛse/) a-t-il également agi (v. *plaxus). Au français a été emprunté le néerlandais plisseren)
Et c'est là que mes recherches m'ont mené, sans réponse définitive quand à la source du /s/ de coincer. L'existence de dérivés de coin présentant également un /s/ comme écoinçon et écoinceter des siècles avant la première attestation de coincer me fait suspecter qu'il a existé une "lignée fantôme" utilisée à l'oral ou dans les langues régionales remontant à une racine /kwɛnts/ (un pluriel également ?) en ancien français, mais ça ne fait que repousser le problème dans le temps.