On ne peut pas lire ces lignes sans les replacer dans le contexte global de L'alchimie du verbe1. Ces lignes se situent au début de Délires II,2 et c'est tout au long des 5 pages que Rimbaud oscille entre imparfait et passé simple (sauf les passages en vers qui sont presque entièrement au présent) avec une dernière phrase au présent.
Rimbaud utilise l'imparfait et le passé simple pour bien préciser qu'il s'agit d'une expérience poétique révolue, qu'il cherche à oublier; à la fin du texte Rimbaud semble donc dire définitivement « Adieu » ( « Cela s'est passé. Je sais aujourd’hui saluer la beauté »)3.
Pour comprendre L'alchimie du verbe il faut aussi avoir en tête que dans Délires II Rimbaud évoque sa folie, les parties qui suivent montrent un retour à la raison. Dans « Alchimie du Verbe Rimbaud raconte son aventure littéraire4 ». Il ne faut pas chercher d'explication grammaticale à ces passages constants entre l'imparfait et le passé simple, mais considérer qu'on est dans la pensée décousue du poète, dans sa folie qui n'obéit à aucune règle. Sinon comment expliquer l'emploi dans une même phrase du passé simple et de l’imparfait, comme celle-ci par exemple :
Je m'habituai à l'hallucination simple : je voyais très franchement une mosquée à la place d'une usine, ...
Deux citations à l'appui :
Rimbaud avoue dans Alchimie du verbe, avoir malmené la langue. Il passe en revue ses forfaits5.
« Les premiers paragraphes évoquent rapidement les étapes qui le menèrent à la crise décisive. Il commence par se détacher des routines de la poésie contemporaine, et par créer en lui-même un monde d'images entièrement libérées6. »
1 5e partie de Une saison en enfer.
2 Texte complet.
3 Commentaire de texte d'un professeur de français.
4 Rimbaud créateur, Jean-Pierre Giusto (PUF, 1980)
5 Sylvain Tesson sur France Inter
6 Rimbaud, œuvres complètes, édition La Pléiade, annotée par Antoine Adam.