C'était une coutume, tout à fait normale dans la haute société à l'époque de Madame de Sévigné, que de se vouvoyer entre parents et enfants et aussi entre époux. Même de vouvoyer les enfants encore jeunes, du moins en public, les parents avaient des nurses qui s'occupaient des enfants et ne les voyaient en général qu'en public.
Au XVIIe siècle, sous l’influence de la préciosité et des multiples ouvrages de civilité qui ont fleuri depuis le début du XVIe siècle, le vous de déférence est de rigueur envers les personnes de haut rang mais également dans les conversations intimes (Mme de Sévigné dans ses Lettres ne déroge jamais à cette règle, malgré toute l’affection qu’elle porte à sa fille)1.
Je pense que le vouvoiement des enfants doit être très rare de nos jours. Le vouvoiement des parents par les enfants et entre époux est devenu plus rare mais subsiste dans certains milieux.
Deux article qu'on pourra lire sur le sujet : dans Le Monde : Les anciens continuent d'apprécier le vouvoiement (2005), dans Le Figaro Le vouvoiement, un usage menacé d'extinction (2007). Cet article du Figaro cite un cas de famille où les parents vouvoient les enfants.
C'est le cas chez (...) « Pour leur apprendre à être responsables », monsieur vouvoie les enfants. Madame les tutoie après les avoir vouvoyés : « Quand ils sont nés, leur apparition était presque divine, alors je les ai vouvoyés. Puis je les ai tutoyés pour leur faire plaisir quand ils ont eu le bac ! » La progéniture, quant à elle, tutoie les parents !
Extrait de Le tu et le vous. L'art français de compliquer les choses (Étienne Kern, Flammarion, 2020) :
Être vouvoyé par son propre père ? Voilà ce que le héros de Mon père avait raison2, de Sacha Guitry, ne semble pas prêt à accepter. Pour la plupart d'entre nous, il en irait de même, bien sûr : entre parents et enfants, on se tutoie, ...
(En lire plus)
1 : Lauriane Mouraret. Interlocution et style tragique à l’âge classique : Théophile de Viau, Rotrou,Corneille et Racine. Littératures. Université Grenoble Alpes (Thèse de doctorat, 2020).
2 : Cette pièce de Sacha Guitry est parue en 1919.