Ce n'est pas une expression courante en France. Je ne l'avais jamais rencontrée. En fouillant un peu, je ne sais pas si c'était une expression courante (probablement régionale) ou une invention de Sand.
En français moderne, il y a une expression courante « donner sa langue au chat », qui signifie « renoncer à deviner ». Historiquement, cette expression parlait de chien et non de chat. Littré et d'autres citent Mme de Sévigné :
Ne sauriez-vous le deviner ? jetez-vous votre langue aux chiens ?
De manière générale, en français, si on jette quelque chose aux chiens, c'est qu'on renonce à le manger, parce qu'on le trouve inutile ou pas assez bon pour un humain.
Il n'est pas clair pour moi comment l'expression a dérivé du chien au chat. Une comparaison de fréquences à l'écrit montre que la « langue au chat » est apparue vers 1860 et a mis quelques dizaines d'années à remplacer la « langue aux chiens ». La « langue aux chiens » a complètement disparu du français moderne, au moins en France (je ne l'ai jamais entendue). Elle survit peut-être dans certaines régions, mais à l'écrit, dans des livres modernes, je ne la trouve que comme référence à une expression historique.
Certaines sources attribuent « donner sa langue au chat » à Sand, mais ce n'est pas le cas, puisqu'on la trouve plus tôt, par exemple dans un dictionnaire italien-français publié en 1777 et dans un dictionnaire allemand-français publié en 1798, mais dans les deux cas avec un sens plus général : ne pas utiliser sa langue, rester muet. Un article publié en 1866 sur cite « donner sa langue au chat » comme une variante de « jeter sa langue aux chiens » utilisée dans le Blaisois (région de Blois). Sand n'a donc pas inventé cette expression, mais il est possible qu'elle l'ait popularisée.
L'expression est probablement à rapprocher de « est-ce que le chat t'a mangé ta langue ? », expression attestée en français mais que je n'ai personnellement jamais rencontrée. Elle a le même sens que l'expression anglaise « Has the cat got your tongue? » : question rhétorique que l'on pose à quelqu'un qui ne répond pas.
Les chats sont historiquement associés à la sorcellerie. Il est possible que ces deux expressions dérivent de l'idée que le chat aurait magiquement pris la langue de quelqu'un, ce qui l'empêcherait de parler. Mais ce n'est là qu'une hypothèse, je n'ai aucun élément de preuve.
Et l'oreille du chat, alors ? L'expression se comprend bien comme complémentaire de la langue au chat. Si on donne sa langue au chat, on ne parle pas, et le chat non plus. Si on dit quelque chose au chat, le chat ne le répétera pas. Je ne trouve pas d'utilisation de cette expression avant La petite Fadette. (Il existait une expression « le nid d'une souris dans l'oreille d'un chat », une métaphore pour quelque chose d'impossible, citée par exemple par Littré, expression elle aussi disparue du français moderne. Mais je ne pense pas qu'il y ait un lien.) Et même après, ce ne semblent qu'être des citations de Sand. Donc je pense que c'est une variation créée par Sand, inspirée de « donner sa langue au chat ».
Puisque l'expression semble provenir d'un texte unique, seuls la construction de l'expression et ce contexte peuvent aider à comprendre le sens. Les deux conduisent à penser que cela veut dire que ce qui est mis dans l'oreille du chat ne sera répété à personne. Et puisque la personne qui a reçu cette lettre aura mis les mots dans l'oreille du chat, elle ne les aura pas gardés. Donc « j'ai grand'peur que vous ne le mettiez dans l'oreille du chat » signifie « j'ai grand'peur que vous fassiez comme si je n'avais rien dit », « j'ai grand'peur que vous n'en teniez pas compte ». C'est un oubli, mais un oubli volontaire.
P.S. On trouve bien quelques sources en ligne, mais aucune ne fait plus que spéculer sur la relation entre l'oreille (chez Sand) et la langue (plus généralement).