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Via Mala, John Knittel

Puis s'adressant toujours à sa femme : « marigeli, va réveiller Sylvelie, elle dort toujours à fond! Va lui dire. »

« À fond » semble signifier « profondément ».

Quoi qu'il en soit on ne trouve pas cette définition dans le TLFi, et de plus il me semble que de nos jours on ne dirait pas « dormir à fond » pour « dormir profondément » sauf en fait de plaisanterie, ce qui serait une insinuation que la personne se livre à l'activité de dormir avec assiduité.

(TLFi) b) À fond. Tout à fait, entièrement, jusqu'au bout.
• Examiner, étudier qqc. à fond; traiter un sujet à fond; travailler à fond; s'engager, se donner à fond dans une entreprise; connaître à fond la nature humaine; visser à fond.
• À quoi servirait donc, ma chère petite sœur, d'avoir un frère en Russie si l'on ne savait pas à fond ce que c'est que le knout (J. de Maistre, Corresp.,1806-07, p. 270): • Comme il savait à peine conduire, il n'était pas mécontent que sa camionnette ne fût qu'un tacot, ce qui lui permettait d'appuyer à fond sur l'accélérateur sans dépasser le quarante. Queneau, Pierrot,1942, p. 160.

Est-ce que quelqu'un peut confirmer que cet usage n'est plus normal ou que c'est une expression qui consiste de mots rapportés qui n'a jamais réellement pris cours dans le passé ?

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  • 2
    Je ne l'ai jamais entendu, mais ça peut être une maladresse de langage volontaire ou pas de la part de l'auteur/traducteur, ou un helvétisme. Mar 30 at 7:38
  • Je suis très gênée par l'emploi de l'article défini dans « le dictionnaire », ceci sous-entend qu'il n'existerait qu'un seul dictionnaire. Nommer l'objet à cet endroit et pas juste dans la citation aurait été à mon avis beaucoup plus nuancé.
    – None
    Apr 30 at 8:58
  • @none C'est corrigé !
    – LPH
    Apr 30 at 10:05

2 Answers 2

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En appui à la définition de @Circeus (« avec toute l'intensité possible ») citons le DHLF (ed. Le Robert). Extrait de l'entrée fond :

À fond (1656) intensif, reprend métaphoriquement l'idée d'extrémité...

Cet emploi de à fond n'est pas inhabituel pour moi (et plaisant encore moins). Je l'ai déjà rencontré à l'oral comme à l'écrit, il peut bien sûr, comme pour tout fait de langue, y avoir des variations de fréquence selon les régions et/ou les habitudes culturelles des uns et des autres, mais en nier l'existence passée ou actuelle semble en contradiction avec la « réalité1 ».

Les quelques exemples qui suivent sont le résultat d'une rapide recherche qui, bien que loin d'être exhaustive, suffira j'espère à montrer que cet usage n'est ni récent ni désuet.

Même après 3 nuits à dormir à fond, les performances ne sont pas rattrapées (22 conséquences très inquiétantes du manque de sommeil en 2023) ;

vous m'avez donné la réponse : « Dormir à fond, se reposer à fond. » (Médecine humaine, médecine sociale. Le docteur René Biot (1889-1966) et ses amis, sld Régis Ladous, 1992) ;

« Cela ne m'empêche pas de dormir à fond et de suer à souhait » (Revue Missions en Chine et au Congo, 1906)

« Oui, dormir, dormir à fond, enfin... » (Le secret de la dame en rouge,Beatrice Bottet, 2019).

Dormir à fond est une des traductions de Kuru sane que donnait Maurice Leenhardt en 1935, expression du dialecte kanak de la vallée de Houaïlou2.

Si l'expression  « dormir à fond » me semble tout à fait naturelle, celle de « dormir à mort » à laquelle elle est juxtaposée dans Apnée1 l'est moins et me semble plus du ressort de la création littéraire servant à illustrer le propos des auteurs, à mort donnant un cran de plus à l'intensité du sommeil.

Dormir à fond, dormir à mort, faire la révolution en dormant, arrêter de se fatiguer à bouger dans tous les sens, arrêter de s'user à parler à tort et à travers, arrêter de penser, arrêter d'user les mots et le langage. [...] Dormir, ne plus penser, laisser nos cerveaux en friche ....


1 Pour faire écho au « réellement » de la question.
2 Vocabulaire et grammaire de la langue houaïlou. Institut d'ethnologie. Paris 1935.
3 A. Boute, C. Schuiten, C. Thiry, J. Pruvot Simonneaux,Onlit–Editions. 2018.

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Je crois que le problème tient à la formulation de la définition du TLFi, qui me semble un peu boiteuse. Si on l'examine en détail, elle n'est clairement applicable qu'à des verbes téliques (et difficile donc à appliquer pour certain verbes directement cités, comme "travailler").

Une définition plus générique serait "avec toute l'intensité possible". Et il est alors clair que dormir à fond est une utilisation légitime et plaisante (pas habituelle, mais tout à fait compréhensible) au sens de "dormir profondément".

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  • Ce test de télicité semble délicat ; entre autres difficultés qu'il puisse y avoir, il peut dépendre du contexte, c'est à dire qu'un même verbe peut être considéré télique et atélique selon le contexte. Par exemple, dans « elle a examiné cela en une heure » le verbe est télique, et les cas de ce contexte ne sont pas rares ; dans « elle a examiné cela pendant une heure » il est atélique, les cas de contexte de cette dernière construction n'étant pas rares non plus. Si on cherche à savoir comment la loc. adv. « à fond » est affectée par ce phénomène rien de trop clair n'apparait. (1/3)
    – LPH
    Mar 30 at 15:42
  • « elle a examiné cela à fond en une heure » et « elle a examiné cela à fond pendant une heure » sont toutes deux des construction exprimant un fait qui semble parfaitement réel. Dans la première, on tend à comprendre que l'examen est fait à fond, dans la seconde que le travail d'examen l'est. « Avec toute l'intensité possible » est certainement une addition possible à cette définition ; il semble que ça se voit dans « travailler à fond ». Elle ne convient plus lorsqu'il s'agit de « appuyer sur l'accélérateur ». (2/3)
    – LPH
    Mar 30 at 15:43
  • C'est donc une question difficile que de savoir s'il exite ou non un empêchement logique pour utiliser « à fond » avec « dormir » selon cet aspect. Quoi qu'il en soit il me semble que la question ne se résout pas si simplement ; on ne dirait pas « la tête me fait mal à fond » et pourtant, c'est une « action » (du corps) dont on est conscient lorsqu'elle prend place et à laquelle on pourrait appliquer justement « avec tout l'intensité possible ». (3/3)
    – LPH
    Mar 30 at 15:43
  • 1
    @Circeus il me semble que l'expression est plus familière que "plaisante", ce que semble confirmer l'origine sociale du personnage en question. Mar 31 at 9:57
  • Au départ je ne voulais que faire un commentaire à ta réponse mais la tâche s'est avérée techniquement complexe. Je n’apporte rien de plus sur le fond.
    – None
    Apr 30 at 9:34

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