Extrait d'un roman de Georges Bernanos, Le Journal d'un curé de campagne
Dieu sait que je voudrais donner pour rien, avec mon temps et ma peine, les tapis de coton, les draperies rongées des mites, et les cierges de suif payés très cher au fournisseur de Son Excellence, mais qui s’effondrent dès qu’on les allume, avec un bruit de poêle à frire. Seulement les tarifs sont les tarifs : que puis-je ?
– Vous devriez fiche le bonhomme à la porte, m’a-t-il dit. Et, comme je protestais :
– Le fiche dehors, parfaitement ! D’ailleurs, je le connais, votre Dumonchel : le vieux a de quoi... Sa défunte femme était deux fois plus riche que lui, – juste qu’il l’enterre proprement !
L'occurrence du premier « fiche » ne détourne pas de la lecture bien longtemps, on pense rapidement à une erreur de mise page ; la raison est toute simple : on attend un infinitif après « devoir » et donc il faudrait « Vous devriez ficher ». Cependant, une récidive dans la phrase suivante vient vite détruire l'idée d'avoir aplani la difficulté. C'est une phrase sans sujet, il lui faut bien un verbe, le seul candidat pour cette fonction ne pouvant être que « fiche » et ce n'est toujours pas un infinitif.
Chose bizarre lorsqu'on commence à vérifier des références, on trouve que certains parlent du verbe « se fiche » et pas du tout de « se ficher », alors que le TLFi n'a que « ficher » dans ses entrées principales. En examinant les sous entrées on s'aperçoit que l'infinitif est bien « fiche » dans beaucoup de cas. Comment expliquer que cette anomalie ait été acceptée et non rejetée de façon à ce que les désinences soient conformes à l'usage (Par exemple le TLFi mentionne « ficher » en tant qu'entrée et « fiche » n'est qu'un second choix dans le corps de cette entrée) ?