Pourquoi prononce-t-on « seconde » sə.ɡɔ̃d
?
Ma première intuition serait qu'il existe une raison étymologique à cela, mais mis à part cet exemple je ne trouve pas d'autres exemples de C prononcés G.
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?
Ma première intuition serait qu'il existe une raison étymologique à cela, mais mis à part cet exemple je ne trouve pas d'autres exemples de C prononcés G.
Cette situation s'explique en effet par l'origine de second, qui est une dérivation du latin secundus. Le cas de second et de ses dérivés est assez intéressant en ce qu'il ne suit pas la règle habituelle pour les occlusives palato-vélaires ([k] et [g]) à l'intervocalique (entre deux voyelles) et précédant [o] ou [u]. L'évolution normale, décrite par le Précis de phonétique historique¹ est la suivante
par exemple : securu [sekuru] > (IVe) [seguru] > (Ve) [seɰuru] > [seuro] > (VIIIe) > [seɥr] > sûr
Second s'est manifestement arrêté à 1. Je n'ai pas réussi à trouver d'explication, mais j'ai trouvé un autre exemple : draco donne dragon, la seule différence est que l'orthographe n'a pas évolué dans le cas de second.
Avec cet autre exemple, on peut émettre des hypothèses sauvages : les deux [g] sont suivi de la même nasale [ɔ̃ ], qui pourrait ne pas être étrangère à la bizarrerie. Le seul défaut de cette idée c'est que la nasalisation n'apparait pas en français avant le Xe siècle, donc elle ne peut pas être directement responsable, mais je la soupçonne quand même de ne pas être innocente.
1. Noëlle LABORDERIE, Précis de Phonétique Historique, Paris, Nathan Université, Collection 128, n° 59, 1994.
Tout commence dans le monde romain avec le verbe « sequere » (suivre), qui donnera « secundus » (suivant). À l’époque, la prononciation de « secundus » comportait le son [k].
Le changement s’opère à la fin du IVe siècle et au début du Ve siècle. On assiste à une « sonorisation des sourdes intervocaliques », [k] devient [g] dans certains cas. Qu’est-ce qu’une sonorisation des sourdes intervocaliques ? Commençons par le plus simple, « intervocalique » signifie « entre deux voyelles » (en terme de son). Le reste n’est pas plus compliqué. Chaque son consonantique est défini par trois paramètres : son lieu d’articulation, son mode d’articulation et son voisement. Dans notre cas, [k] et [g] ne diffèrent que par leur voisement : [k] est une consonne sourde (non voisée) et [g] est une consonne sonore (voisée). En d’autres termes, en prononçant [g] vous faites vibrer vos cordes vocales. Ce n’est pas le cas du son [k]. Cela demande mois d’efforts d’employer le son [g] car les sons vocaliques sont par définition voisés. Ainsi, nous n’avons besoin de cesser de faire vibrer nos cordes vocales pour les refaire vibrer juste après. Dès lors, on ne prononce plus /søkɔ̃/ (« sekon ») mais /søgɔ̃/ (« segon »).
La différence phonétique entre « second », d'un côté, « fécond » et « faconde » de l'autre, c'est la nature de « e muet » de la première syllabe. On peut ne pas le prononcer (et ça devient "zgond"), tandis qu'on ne peut pas ne pas prononcer « fé » et « fa » dans les deux autres mots.