Reprenons une définition [BO 1997] des compléments essentiels en grammaire française.
Il s'agit de compléments du verbe qui ont les particularités suivantes:
- Ne peuvent pas être supprimés (ce qui nous concerne, à suivre)
- Ne peuvent pas être déplacés [en début de phrase] : vrai; "des feuilles les girafes mangent" ou autre permutation est agrammaticale ou incorrecte
- Peuvent être pronominalisés (le, la, les, lui, en, y) : vrai; les girafes les mangent
D'autre part, les compléments essentiels ont été introduits dans les programmes (que je n'ai pas connus) comme catégorie-chapeau des:
- COD
- COI
- Compléments de temps, lieu et mesure essentiels (ex: "je me trouve" + lieu; "il pèse" + poids)
Par opposition à la catégorie des Compléments Circonstanciels (supprimables, déplaçables et sans possibilité de les remplacer par un pronom).
Il s'agit principalement de distinguer les compléments d'objet (tous) des compléments de circonstance (tous). On les appelle aussi respectivement compléments de verbe et compléments de phrase.
Mais cette distinction n'est pas parfaitement claire pour tous les spécialistes, et ce maître de conférences a publié un article au titre éloquent, en soulignant:
La fonction COD, bien qu’essentielle, n’est pas obligatoirement
exprimée. [45]
Car parler de tous les compléments d'objet inclut effectivement ceux dont l'expression est optionnelle (apportant un sens différent à la phrase sans eux, sans que celle-ci eût été incorrecte - "elle écrit / un roman") comme ceux qui sont syntaxiquement et sémantiquement obligatoires.
On peut citer comme distinctions entre compléments d'objet optionnels et obligatoires:
- "les arguments optionnels sont implicitement présents dans la sémantique du verbe" [p. 242] : ici pour nos girafes, il est évident qu'elles mangent quelque chose, dans la phrase :
Les girafes mangent dans la savane.
- A contrario, un complément non essentiel/circonstanciel/de phrase comme dans: "Les girafes mangent l'après-midi" "ne fait qu'apporter une information supplémentaire plutôt que de spécifier un participant [COD de manger] dénoté par le sens du verbe"
Les deux derniers points proviennent de cette thèse d'une autre linguiste, C. Vaguer.
Si on devait conclure à partir de ces éléments, on pourrait dire que "des feuilles" est un complément essentiel, parce que les programmes ont décidé sans consensus que tous les compléments de verbe l'étaient.
Cependant, la première linguiste citée, C. Avezard-Roger, estime que pour respecter cette distinction, le critère de suppression est bien trop hasardeux pour l'imposer formellement aux élèves - elle juge le critère de déplaçabilité bien plus efficace. Expliquer qu'un COD est bien complément essentiel parce que le verbe le sous-entend sans qu'il puisse le lire dans la phrase... me paraît délicat à un élève de primaire.
Nous avons donc dans des exemples comme celui-là un COD:
- complément essentiel, dans la mesure où il se pronominalise et ne se déplace pas; sans lui la phrase n'a pas le même sens comme dit en commentaire
- optionnel, car sans lui la phrase reste correcte grâce aux verbes en question qui portent en eux ce COD non exprimé
C'est encore Mme Avezard-Roger qui conclut le mieux:
Par ailleurs, nous plaidons pour un allègement des contenus
d’enseignement en grammaire.