Avant provient d'un latin « abante » 1 qui provient d'un autre latin « ab ante ». Le sens d' « avant » (10e s.) repose au départ sur la composante temporelle comme adverbe. Le sens spatial suit. L'emploi en préposition arrive deux siècles plus tard avec « en avant qqc. ». Du côté spatial, on avait davant (10e s.), éventuellement devant (11e s.) qui s'y opposaient pour le contrôle du sens. Par avant/paravant comme locution adverbiale remonte au 13e siècle (disparaît au 17e sauf dans le burlesque (Le Bon Usage, Grevisse, Goosse, ed. Duculot; 965 e 3); on y ajoute au- pour obtenir auparavant au 14e siècle.2
Observations diverses
- Par avant avec le sens d'auparavant : « le vicaire-général [...] ne pouvait deviner [...] si la mère était par avant jalouse. » (Balzac, A. Savarus, Pl., p. 764)
- avant et devant (LBU, 1054) :
- Devant marque le lieu; pour indiquer le temps c'est maintenant un archaïsme ou un régionalisme (« nous nous sommes levés devant l'aube »), mais ça reste dans « rester Gros-Jean comme devant » avec le sens exact d'auparavant (LBU, 1004 b 2).
- Avant marque normalement le temps et nécessite une forme d'adéquation entre le temps et le déplacement pour pouvoir marquer le lieu; on donne « à droite avant (un lieu) », c'est-à-dire une succession d'étapes. Les emplois adjectivaux avec avant permettent parfois le lieu comme dans les « portières avant [...] » (voir aussi avec intérêt la discussion avec d'avant)
- En ce qui a trait au choix de l'Académie en 2001 de considérer « mettre la charrue avant les bœufs » avec la variante « devant », pour exprimer le « lieu » (LBU, 1054 R3) : il s'agirait plutôt de l'idée de temps aujourd'hui. On explique une transition d'une logique de « mettre devant ce qui doit être derrière » vers celle de « faire avant ce qui devrait être fait après », et finalement « commencer par où on devrait finir ».
- Auparavant a déjà été utilisé comme préposition (LBU, 1039 H3) avec l'exemple « arrivé auparavant lui »; Monsieur Vaugelas3 n'en était point, autant que pour « du depuis » (LBU, 1040 H1).
- On parle aussi de « avant » comme préposition avec un régime implicite (LBU, 1040 1 a), et on donne : « Avant, nous étions souillés par l'envahisseur. Maintenant [...] ».
- Il y avait divers substantifs en composition avec avant en préfixe.
- L'homonyme paravent, substantif, fait son entrée en 1599 avec la graphie paravant, qu'il conserve pendant une vingtaine d'années.
Sans pouvoir dire pourquoi exactement on a au+paravant, sinon que ça ressemble beaucoup à la forme latine (abante), on constate l'évolution des formes et des usages et la compétition des prépositions et adverbes, la répartition des sens entre les termes, et un certain équilibre. En fait on peut penser à bien des choses qui peuvent s'affronter afin de rendre le même sens au fil du temps. Plusieurs constructions plus anciennes sont rendues par « auparavant » aujourd'hui. Ça me rappelle quand on avait « hui » (lat. hodie) pouvant signifier aujourd'hui, qui lui se décline littéralement comme au jour de ce jour, une curiosité : il n'y a pas d'ajout au sens, alors que c'est plutôt la graphie qui se charge, mais dans la « direction » du mot latin d'origine pour ainsi dire. En anglais on a by-fore, beforehand, herebefore, qu'il serait sans doute intéressant de comparer à cet effet. J'espère qu'on pourra continuer la recherche pour en apprendre plus (avant) sur le sujet.
1. À « abante », le Gaffiot donne « adv. devant : Firm, Math. 2,22 [Dextrum trigonum est, quod ab eo signo, a quo incipimus, retro est, sinistrum vero, quod abante;] - prép. acc. : Vulg.[je vois seulement en deux mots : Visa itaque turba de retro, et ab ante, adorantes dicite in cordibus vestris: Te oportet adorari Domine.] ». Lewis : « I. Prep. with abl., from before: “abante oculis parcntis rapuerunt nymphae,” away before the eyes of the father, Inscr. Grut. 717, 11.; II. Adv., before: “ne (quis) abante aliam (arcam) ponat,” Inscr. Orell. 4396. ». Voir aussi DuCange. En passant, on peut en profiter pour lire a, ab au Gaffiot; on note au sens IV « à partir de ». C'est que si on pense à ab initio par exemple, on peut penser à « dès le/depuis le/du début » ou à « à partir du début »; on a ça avec l'idée d'antériorité ici.
2. Le Dictionnaire historique de la langue française, sous dir. d'A. Rey, ed. Le Robert, expose les éléments de cette séquence à « avant ».
3. M. Vaugelas aide à comprendre, dans un ordre d'idées un peu différent, l'air du temps - trois siècles après « auparavant » - au 17e :
Il faut dire avant que de mourir, et devant que de mourir, et non
pas avant que mourir ny devant que mourir, et beaucoup moins
encore avant mourir, comme disent quelques-uns en langage barbare.
[ Remarques sur la langue Françoise de Monsieur de Vaugelas: utiles à
ceux qui veulent bien parler et bien escrire. t.2 - M. Claude Favre
de Vaugelas ]
C'est que « avant » en préposition suivi immédiatement de l'infinitif était en usage jusqu'au 16e siècle. La réaction illustre que les sensibilités changent avec les époques, indépendamment du sens.