En ce qui concerne la suppression des mots « le » et « ne » voici l'explication de Romain Boussot, professeur de français, auteur de Mediaclasse, et qui a fait une analyse détaillée de tout le poème. Romain Boussot inscrit cette strophe dans la persistance des souvenirs et l'analyse ainsi :
Le temps s’allonge, les « jours » deviennent des « semaines », le verbe « passer » est repris, répété, au point même qu’on peut se demander si le mot « passé » est un adjectif ou un participe passé. L’allitération en S laisse entendre ce passage du temps. Il manque des mots « ni le temps passé, ni les amours ne reviennent » comme en Ancien français où justement les articles et les adverbes sont parfois supprimés. Cela donne une tournure vieillie à ces vers. Le poète joue avec ce qui passe et ce qui perdure.
Quelques remarques supplémentaires en réaction aux commentaires sous la question.
- Le pont Mirabeau a été publié pour la première fois en 1912 et intégré au recueil « Alcools » l'année suivante.
- La disposition des lignes des éditions sérieuses1 de nos jours est celle qu'on peut voir dans la vidéo de Romain Boussot (11:04). Sur Gallica on peut voir un manuscrit de la main d'Apollinaire ainsi que la toute première publication du poème en 1912 dans la revue « Les Soirées de Paris ». On constate que dans cette première version la disposition des lignes est différente et que la ponctuation a disparu. C'est Apollinaire lui-même qui a fait disparaître la ponctuation2.
- Le poème a été écrit après la rupture avec Marie Laurencin en 1912 et avec laquelle il avait eu une liaison pendant six ans. Ils avaient souvent franchi ce pont ensemble. Apollinaire dira de ce poème qu'il est comme « la chanson triste de cette longue liaison brisée2 ».
1 Toute publication sous forme de calligramme est à mon avis une opération commerciale qui ne correspond pas aux intentions de l'auteur.
2 cf Wikipedia.