Y a-t-il une différence de registre entre « commencer » et « se mettre » ?
Peut-on employer l’un ou l’autre indifféremment ?
Est-ce que tu parles de l'expression « se mettre à ... » ? Si oui, on emploie cette expression quand on ne veut pas utiliser commencer.
Eg.: Les hommes se mettent au travail = Les hommes commencent le travail.
Si la question est: "en gardant exactement le même sens et les mêmes mots dans la phrase mais en changeant seulement commencer à par se mettre à, obtient-on une phrase dans un autre registre?", je crois que la réponse est non, en général.
Je ne crois pas que se mettre à et commencer à portent en eux, de façon intrinsèque, une nuance de registre: nous n'avons pas de règle qui dirait que remplacer simplement commencer à par se mettre à (sans aucun autre changement) dans une phrase changerait automatiquement le registre de cette phrase (ou l'inverse). On peut construire des phrases dans le même registre avec commencer à aussi bien qu'avec se mettre à.
Je crois que la différence de registre perçue dans les exemples proposés est plutôt extrinsèque, c'est-à-dire qu'elle provient du reste de la phrase et du contexte, du ton employé... Il est possible que se mettre à sonne mieux dans certains contextes, ou que commencer à soit obligatoire dans certaines expressions (et vice-versa). Mais ces différences sont dues à l'usage ou au contexte, plutôt que portées entièrement par le verbe commencer à ou se mettre à lui-même. Sans aucun contexte, commencer à et se mettre à sont a priori équivalents.
En général, la langue Française a certainement des synonymes dans différents registres (chiottes / toilettes, caisse / voiture, bouffer / manger ...), mais le phénomène n'est pas aussi sophistiqué et systématique que dans des langues telles que le Japonais, où l'on trouve des séries de variantes pour un même mot suivant le registre de langage: kuu → taberu → meshi-agaru (manger), aru → gozaru (être), ... En Japonais, le registre de langue est intrinsèquement contenu dans le choix de aru ou gozaru. Même sans aucun autre contexte, utiliser l'un ou l'autre détermine complètement le registre, sans changer le sens. Je ne crois pas que ce soit le cas pour commencer à et se mettre à.
Note: TLFI définit se mettre à ainsi: "Commencer à faire quelque chose; entrer dans un processus.", i.e. en utilisant commencer à (!)
Il me semble que 'se mettre' souligne plus le déclenchement de ce qui est présenté à sa suite. Comme s'il s'agissait d'en présenter surtout le point de départ.
Alors qu'avec 'commencer', j'ai l'impression qu'une suite possible est déjà envisagée, que 'commencer' laisse déjà entendre que ce qui suit va continuer.
Si mon intuition est exacte, on peut donc parfois parler de la même chose de deux points de vue différents. Il faudrait confronter ceci à un solide corpus d'exemples.
Quant à la différence entre 'commencer/continuer à' et 'commencer/continuer de', elle rappelle celle que l'on trouve en anglais entre 'begin/continue to' et 'begin/continue V-ing'. (V=verb)
Dans les phrases où l'on a à effectuer ce type de choix, on se retrouve avec un premier verbe (V1) à ou de (qu'il faut savoir choisir) suivi d'un deuxième verbe (V2).
V1 et V2 sont chacun porteur d'information.
Lorsque le poids informationnel de V2 est plus important (nouveau) que celui de V1, on aura 'V1 à V2'. Cas le plus courant.
Par contre, lorsque c'est l'inverse on aura 'V1 de V2'.
Exemple (cité par Adamcweski qui a mis au jour ce point de grammaire):
Pas de changement dans les jours à venir. Il va continuer de faire beau jusqu'à la fin de la semaine.
L'information 'faire beau jusqu'à la fin de la semaine' n'est pas vraiment nouvelle, elle est déjà contenue dans 'pas de changement dans les jours à venir' C'est pour signaler cela que 'de' apparaît.
Si l'on observe maintenant le magnifique exemple cité par Jiliagre:
'Aucun bruit n'annonce le jour, sinon le grincement des girouettes sous la brise de terre, et de la plume sur le cahier où vont commencer de s'écrire, ce matin même, les Travailleurs de la Mer. (Bertrand Poirot-Delpech / Victor Hugo et la Mer.)
Le verbe 'commencer' a ici plus de poids informationnel que 's'écrire' dont le sens est anticipé par ce qui précède: 'le grincement de la plume sur le cahier'. C'est la raison pour laquelle 'de' apparaît dans cet exemple.
- Y a-t-il une différence de registre entre « commencer » et « se mettre » ?
Oui si l'on compare « commencer de » à « se mettre à », mais non si l'on compare « commencer à » à « se mettre à ».
Le plus rare « commencer de + verbe », souvent utilisé pour éviter un hiatus, est généralement considéré comme étant d'un registre plus soutenu que « commencer à + verbe ».
Références:
TLFi
b) Commencer de est plus fréq. dans la lang. soignée que dans la lang. usuelle ou fam.
...
d) Afin d'éviter l'hiatus, l'usage soigné tend parfois à employer de lorsque commencer est à une forme qui se terminera par une voyelle, ou devant les verbes commençant par une voyelle. 2. Dans l'emploi fam. (supra H. Bazin et Simenon) on ne rencontre jamais de.
L’expression commencer à est cependant beaucoup plus répandue et courante que commencer de, qui est aujourd’hui sentie comme soutenue, littéraire.
Langue soutenue:
Il commença d'avoir faim. → On évite le double hiatus
Aucun bruit n'annonce le jour, sinon le grincement des girouettes sous la brise de terre, et de la plume sur le cahier où vont commencer de s'écrire, ce matin même, Les Travailleurs de la mer. Bertrand Poirot-Delpech - Victor Hugo et la mer - Académie Française - 2002
Langue usuelle:
Il commença à avoir faim. → [a.a.a]
Cette différence est controversée, voir "A" ET "DE" APRES "COMMENCER" DANS LE SCHEMA " V1 A / DE V2 " (Thierry Trubert-Ouvrard).
« Se mettre » est un peu moins précis que « commencer »1 et peut donc être considéré d'un registre légèrement moins soutenu que ce dernier, mais la différence est infime et surtout très relative. C'est l'expression complète qui déterminera véritablement le registre utilisé.
Par exemple « Tu commences à me les briser » est certainement d'un registre moins soutenu que « Hier, nous nous mîmes à l'œuvre de bonne heure » ;-)
Autant « se mettre » que « commencer » peuvent en effet apparaître dans des phrases de registre soutenu, courant ou familier. Ce ne sont tout simplement pas des « marqueurs » de registre.
Il existe des verbes pouvant remplacer « commencer / se mettre à » qui sont eux, clairement associés à un registre donné:
Il serait plaisant que vous entamiez votre labeur ! (soutenu)
Il faut te mettre au travail ! (courant)
Il faut commencer ton travail ! (courant)
Faut te foutre au boulot ! (familier)
- Peut-on employer l’un ou l’autre indifféremment ?
Non, pas toujours. Une nuance de sens est possible : « commencer » peut indiquer la première étape d'un processus graduel (anglais begin) alors que « se mettre à » indique plutôt un changement d'état, une bascule (anglais start).
Il commence à dormir : décrit le début de l'endormissement, il s'endort
Il se met à dormir : il était réveillé, il est endormi.
Il commence à parler russe : son apprentissage de la langue russe commence à porter ses fruits.
Il se met à parler russe : il parlait dans une autre langue et subitement, il parle en russe.
Cette différence peut être neutralisée par la présence d'un adverbe:
Il s'est mis lentement à se lever = Il commença à se lever
Soudain, il commença à dormir = il s'est mis à dormir
Il existe des cas où « commencer » ne peut pas se substituer à « se mettre » :
Il se met à poil→
Il commence à poilIl se met au courant →
Il commence au courantTu t'es mis à dormir pendant une heure →
Tu as commencé à dormir pendant une heure
« Commencer à se mettre » est possible mais « se mettre à commencer » est rarissime:
Tout le monde commence à se mettre au travail. →
Tout le monde se met à commencer de travailler
Parfois, « se mettre à » peut difficilement traduire commencer:
Il a commencé sa vie en Grèce →
Il s'est mis à vivre en Grèce.Il commence à être célèbre →
Il se met à être célèbreJe commence à être sourd →
Je me met à être sourdC'est vous qui commencerez en premier →
C'est vous qui vous mettrez en premierLes problèmes commencent à être résolus →
Les problèmes se mettent à être résolusÇa commence à se savoir →
Ça se met à se savoir
À la négative, les sens sont différents:
Je n'ai pas commencé à manger (= pas encore)
Je ne me suis pas mis à manger (= c'est faux, pas du tout)
Une thèse de doctorat analyse en profondeur les différences entre « se mettre à » et « commencer » : La construction inchoative se mettre à: syntaxe, sémantique et grammaticalisation, Filip Verroens, Universiteit Gent, 2011
1 TLFI:
Rem. gén. 1. Dans la lang. soutenue et notamment dans la lang. écrite, on emploie souvent un verbe plus précis que mettre ou se mettre.
Je ne pense pas qu'on puisse noter une quelconque différence de registre entre ces deux expressions . Il est possible qu'en pratique "se mettre à" soit utilisée de manière plus fréquente dans un registre plus soutenu , mais la différence principale selon moi réside surtout dans la définition que l'on attache à ces expressions. Dans mon interprétation de ces expressions , "se mettre à" est une action antérieure à "commencer". Je voit la première expression comme une préparation à la deuxième. J'ai conscience que cette interprétation est très personnelle , peut sembler erronée ou hors sujet mais dans un registre soutenu les expressions sont souvent plus précises que dans un registre courant voir familier.
Le choix de l'expression à utiliser dépend selon moi plus de son adéquation à la situation que de l'appartenance de la dite expression à un registre particulier.