C'est certainement une affaire de purisme, mais d'un purisme tout nouveau, celui qui exige que le sens du mot soit strictement fidèle à sa racine. Il se trouve que les mots qui enfreignent ce principe abondent dans le français moderne.
agoniser empr. au lat. chrét. agonizare « lutter » (Vulgate, I épitre de Paul aux Corinthiens 9, 25 ds Blaise 1954 : omnis qui agonizat);
château Du lat. castellum (dimin. de castrum « camp ») attesté dans la lang. class. au sens de « redoute »
robe Déverbal de l’ancien français rober (« voler ») dont est issu l’anglais rob et qui ne subsiste plus que sous forme préfixée dérober. Ce mot a eu pour sens « butin de guerre », « dépouille » puis, par spécialisation, « tunique » et enfin, par hyperspécialisation, « vêtement féminin ».
L'Académie et certaines organisations prétendent que le sens diverge de la racine grecque, ce qui est vrai puisque du point de vue d'une interprétation stricte l'idée de correspondance est perdue : en effet, il n'est plus question que de rendre inaccessible la vrai signification, sans mentionner qu'un moyen est donné pour inverser le procédé. La divergence n'est pas plus grande que celle qu'on peut lire dans le passage de « castrum » (camp) à « château » (forteresse). Dans le sens d'instaurer de nouvelles notions prescriptives d'étymologie selon lesquelles le sens est dérivé strictement de la racine, il est clair qu'une inexactitude est introduite. Cependant, on ne parle nulle part de telles notions, elles font partie d'un idéal sans véritable consensus, et on sait que quantités de mots qui pénètrent dans le langage en permanence ne sont pas analysés de cette façon, mais qu'ils prennent naissance par création plus ou moins spontanée qu'une définition de dictionnaire devra plus tard étayer, et cela pas selon le strict sens d'une racine mais finalement selon l'usage. Au regard de cette situation, appliquer des préceptes idéalisés dans la justification du mot « crypter » est d'un arbitraire peu compréhensible ; il a, après tout, fait ses preuves selon le procédé habituel et il est défini selon l'usage, comme le montre le Wiktionnaire.
(Wiktionnaire (Cryptographie) Chiffrer, coder une information afin de la rendre incompréhensible à toute personne ignorant la méthode ou la clé de chiffrement.
♦ Crypter, c’est transformer un texte clair en un texte inintelligible dit texte crypté. — (Claude Palmeti, Lena Mirlova, Rennes-Le-Château, Une autre approche de l’énigme, Publibook, page 117, 2001)
Remarquer que la définition du Wiktionnaire considère bien que l'idée qu'une correspondance doit être fournie.
Au regard d'une politique consistante de la préservation d'une étymologie fidèle au sens, il n'est pas question de purisme extravagant, mais bien simplement de purisme. Au vu de l'absence évidente d'une telle politique ce n'est plus une question de purisme mais une question d'arbitraire complet dans les pratiques linguistiques. Ce que le mot signifie en fin de compte c'est ce que l'utilisateur a pensé qu'il signifie et que l'on détermine à partir du contexte dans lequel il a inséré ce mot, rien d'autre, et cette détermination est toujpours faite, même de nos jours, bien longtemps après que le mot a suffisamment été utilisé.
Si on considère maintenant le candidat que certain tiennent pour idéal en tant que représentant de ce concept informatique (plus généralement un concept de correspondance secrète), c'est à dire « chiffrer », est-ce que la racine de celui-ci le définit parfaitement ? Pas du tout ! Il a l'étymologie suivante lorsqu'il est attesté pour la première fois en 1574.
(TLFi) Étymol. et Hist. 1. 1515 « calculer à l'aide de chiffres » (Lortie, Arithm. ds DG); 1611 chiffré « calculé » (Cotgr.); 2. 1574 « écrire (un message) avec un chiffre » (Lettre de M. Stuart à l'archevêque de Glasgow ds Gdf. Compl.)
De « calculer » à « utiliser selon une correspondance » il y a un monde de différence. « Chiffrer » n'est pas plus pur étymologiquement, au contraire.
On voit de plus qu'aucun terme ne sera étymologiquement fidèle à sa morphologie, à moins de beaucoup de chance (existence d'un élément formant approprié) ou de beaucoup de créativité de la part de ceux qui choisissent les mots.
En conclusion, je pense devoir dire que selon l'approche contemporaine à la création du vocabulaiure, qui, soit dit en passant, est celle de tous les temps, il n'y a pratiquement pas de justification de ce qui serait l'impropriété de « crypter » du point de vue de son étymologie.