C'est une question assez large, et qui implique dans une certaine mesure l'opinion des locuteurs selon leurs habitudes et leur domaine d'activité, mais je vais tenter de répondre avec mon point de vue.
Peut-on imaginer des contextes où l'un des choix (piratage/fraude) apparaîtrait meilleur que l'autre et pourquoi ?
Pour ma part, je pense que la réponse à cette question dépend du sujet d'attention principal dans le contexte. Revenons à la base des termes proposés.
D'après la définition du dictionnaire Larousse, le verbe "pirater" possède 3 sens différents, dont deux nous intéressent particulièrement dans ce contexte :
Voler, dérober quelque chose à quelqu'un : Il m'a piraté mes idées.
Accéder illégalement à un système informatique depuis un ordinateur distant afin d'en consulter les données, de les modifier, voire de les subtiliser.
Dans les deux cas, une notion revient : lorsque l'on pirate, on pirate quelque chose ou quelqu'un, on implique une tierce entité. Le sujet central dans le cadre d'un piratage, c'est la victime.
Prenons encore une fois la définition du dictionnaire Larousse:
Acte malhonnête fait dans l'intention de tromper en contrevenant à la loi ou aux règlements.
Ici, on ne s'empare pas nécessairement du bien d'autrui. On réalise un acte malveillant pour soi (et pas forcément pour nuire aux autres). Le sujet central de la fraude, c'est le fraudeur.
Si on applique à présent ce raisonnement au contexte du social engineering, ma réponse est la suivante :
- Si l'acte malveillant est réalisé dans le but de nuire à une entité en particulier, c'est un piratage psychologique.
- Si l'acte malveillant est réalisé dans le but de contourner la loi pour éviter certaines contraintes, c'est une fraude psychologique.
Cette réponse n'est ni parfaite, ni absolue. Parfois, il est difficile de trancher de façon aussi nette : un piratage peut également être une fraude, et vice-versa. Dans cette situation, on s'en remettra au contexte.
Pour étoffer mon point de vue, voici quelques exemples :
Le suspect aurait convaincu Madame Dupont de lui donner son numéro de carte bancaire, qu'il aurait ensuite revendu sur Internet. -> Piratage psychologique.
En devenant ami avec l'administrateur du site Internet de déclaration des impôts, il a fait en sorte de diminuer son taux de prélèvement à la source. -> Fraude psychologique
En convainquant Madame Dupont, agente fiscale, de lui donner son numéro de carte bancaire, il a pu lui faire du chantage par la suite afin qu'elle lui diminue son taux de prélèvement à la source. -> Piratage et fraude psychologique ?
Pourquoi serait-on d'accord – ou pas – avec l'idée que le terme ingénierie (sociale) ne rend pas adéquatement compte de ce dont il est question en français ; l’équivalence peut-elle être à géométrie variable selon le domaine ?
C'est une question très ouverte. À titre personnel, je suis d'accord avec cette idée. Étant donné que le terme social engineering est surtout employé dans un contexte de sécurité de l'information, je trouve ambigü de parler d'ingénierie lorsqu'elle désigne déjà une activité totalement différente dans ce contexte.
Reprenons la définition du dictionnaire Larousse pour le terme "ingénierie" :
Étude d'un projet industriel sous tous ses aspects (techniques, économiques, financiers, monétaires et sociaux) et qui nécessite un travail de synthèse coordonnant les travaux de plusieurs équipes de spécialistes.
Pour simplifier, je définis l'ingénierie comme la conception et la gestion d'un projet industriel. Dans le domaine de l'informatique, l'ingénierie peut prendre de multiples formes : concevoir une infrastructure logicielle, gérer et documenter des projets de développement, étudier les questions de sécurité au sein d'une entreprise...
Selon moi, la notion de tromperie ne rentre jamais (par défaut) dans un cadre industriel, aussi élaborée soit la supercherie.
Oui, mais...
Comme je suis de bonne foi, voici un cas dans lequel à mon avis, il n'est pas déplacé d'employer le terme d'ingénierie psychologique : l'escroquerie organisée / à grande échelle.
Prenons le cas d'une entreprise (malhonnête), dont l'unique but est d'extorquer des informations à des personnes âgées pour les revendre ensuite sur Internet. Cette entreprise se compose de :
- Une équipe de hackers, qui code des virus qui seront injectés dans l'ordinateur des victimes.
- Une équipe de "commerciaux", qui prennent contact avec la victime, la mettent en confiance, et la convainquent d'utiliser une clé USB contenant le virus codé par l'équipe technique.
- Un "chef de projet", qui coordonne les opérations, propose des pistes techniques, gère le budget et la rémunération des personnes à son service.
Ici, on est dans un cadre quasi-industriel. Le "chef de projet" réalise un travail d'ingénieur (bien qu'il soit dommage d'utiliser ses compétences à de telles fins...) et dans ce cas, je serais tenté de désigner son activité comme une opération d'ingénierie sociale.
Pour conclure, ma réponse à cette deuxième question est donc : l'équivalence serait plutôt à géométrie variable selon l'échelle, et non le domaine lui-même.